Une prise en charge de soins dans l’impasse
Pour l’accès au Dispositif soins urgents et vitaux (DSUV), la sécurité sociale exige un « un refus préalable » d’Aide médicale d’Etat. Et l’Aide médicale d’Etat n’est pas rétroactive. Mme O l’a appris à ses dépens.
Saint-Etienne - mai 2018. Originaires d’un pays d’Afrique subsaharienne et âgés d’une cinquantaine d’années, Mme et M. O ont subi les violences d’assaillants de leur village. Le couple a trouvé refuge dans la capitale au prix d’un long trajet à pied et n’a depuis plus aucune nouvelle de ses quatre jeunes enfants. Une femme que Mme et M. O désignent comme leur nièce leur propose de la rejoindre en France, où elle réside. Muni d’un visa de trente jours, le couple y atterrit en septembre 2017 dans l’idée de se reposer et se soigner. Il doit néanmoins quitter rapidement le domicile de la nièce, qui les confie à une amie.
C’est avec le soutien de cette personne que Mme et M. O prennent contact avec le Comede Loire à la fin du mois d’octobre. Sans ressources et se plaignant de douleurs, ils n’ont pas encore vu de médecin depuis leur arrivée. Rendez-vous est pris dans un premier temps pour Mme O au Planning Familial. Un premier recours auprès de la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) de l’hôpital se solde par un refus de prise en charge au motif « de l’absence de protection maladie pendant les trois premiers mois de résidence en France ». Deux mois plus tard, Mme O se plaint de douleurs plus vives et de difficultés à respirer. Le Comede Loire la conduit auprès de l’une de ses membres, médecin de profession, qui suspecte une embolie pulmonaire et rédige un courrier pour les urgences de l’hôpital. Sur place, il est demandé si « les papiers sont en cours ». L’accompagnatrice du Comede Loire précise que Mme et M. O ne déposeront pas de demande d’asile car ils souhaitent retourner dans leur pays afin d’y retrouver leurs enfants, et s’étonne de « l’impossibilité d’une prise en charge médicale avant la fin du mois de décembre ».
Les examens passés par Mme O aux urgences n’ont pas détecté de signe d’embolie. Les examens suivants font état d’un problème thyroïdien pour lequel Mme O sera opérée en avril. Le 18 janvier, Mme et M. O obtiennent l’Aide médicale d’Etat (AME). Les examens médicaux conduits à partir du mois de janvier font l’objet d’une prise en charge. En revanche, deux factures ont été établies pour les examens du mois de décembre. Leurs montants initiaux s’élèvent à 66 et 200 euros, avant transmission à des huissiers. Mme et M. O ne peuvent pas s’acquitter de ces sommes.
Informé par le Comede de l’existence du dispositif « Soins urgents et vitaux » (DSUV)1, dont relève le cas de Mme O, le Comede Loire tente d’obtenir de l’Assurance maladie la prise en charge des deux factures. Et se heurte à une pratique restrictive de la CPAM également observée au niveau national : « il faut impérativement un refus d’AME écrit pour pouvoir prétendre au DSUV », et il n’est pas possible de « faire remonter » sur plus d’un mois la prise en charge par l’AME des examens du début du mois de décembre.
La situation de Mme et M. O est à ce jour bloquée. A la PASS, on assure qu’il est trop tard pour « un refus d’AME ». L’Assurance maladie rappelle, quant à elle, l’impossibilité de faire jouer l’AME rétroactivement. Du moment que les personnes sont insolvables, explique-t-on, elles « ne risquent rien à ne pas payer ». Pourtant, une facture impayée pourrait empêcher le retour de Mme et M.O sur le territoire français s’ils souhaitaient y revenir.
1 – Sont notamment éligibles à cette dotation forfaitaire, des situations dans lesquelles l’absence de soins pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé