#NousToutes
De la Grande cause nationale à #metoo, il faut en finir avec ces violations des droits humains à l’encontre des femmes.
Partout en France - samedi 24 novembre 2018. Une marée humaine se mobilise contre les violences sexistes et manifeste sous le slogan « Nous toutes ».
Bicêtre - lundi 26 novembre 2018. La salle d’attente du Comede est pleine. De nombreuses femmes sont présentes ce matin. Des yeux gonflés de fatigue, de larmes, des visages marqués par la violence de l’exil. Dehors le froid s’est installé.
Nous faisons le point sur les principales urgences de vendredi : trois femmes, trois histoires, toutes violentes.
La première est sortie du centre de rétention administrative (CRA). Elle est demandeuse d’asile, en procédure Dublin1. Pendant 90 jours, elle est allée signer au commissariat à l’autre bout du département. Samedi, dimanche, jours fériés, tous les jours. Elle n’a pas pu y aller trois jours parce qu’elle était hospitalisée.
Le 24 novembre 2018, la France devenait « responsable » de sa demande d’asile. Elle est convoquée en préfecture le 22, elle y va avec espoir, elle est placée en CRA. En juillet 2018, nous avions fait une demande de dérogation à la procédure Dublin, certificat médical à l’appui. Le juge a retenu ces éléments et l’a libérée. Ce matin, elle est dans la salle d’attente.
Nous appelons une jeune femme de 19 ans, enceinte, le début de grossesse est difficile. Elle est demandeuse d’asile, à la rue. Le 115 l’a mise une nuit à l’abri depuis vendredi « Madame n’a pas appelé pendant 23 jours, nous estimons donc qu’elle a une solution ». Elle continue à appeler le 115, elle doit rappeler ce soir.
Nous ne savons pas si cette femme, enceinte de 8 mois et demi sur le point d’accoucher vendredi, a donné naissance à sa fille ce week-end. Elle a le statut de réfugié, est « protégée » par la France, elle a même deux assistantes sociales pour l’accompagner. Elle est mise à l’abri par le 115. Elle doit sortir la journée. « Je n’ai pas de meilleure solution dans ma boite à outils » nous répond le « droit » commun. Nous allons devoir intervenir « plus haut, plus fort ».
Ce point fait, nous pouvons aborder les autres situations urgentes du jour. Une jeune femme de 19 ans, demandeuse d’asile. Son père, réfugié, habite un studio, c’est trop petit chez lui maintenant qu’il a une compagne. Il l’a mise dehors. Tous les jours, elle appelle le 115, parfois elle a une place mais la plupart du temps, elle doit se mettre à l’abri aux urgences. Aujourd’hui, elle craque.
Une femme de 25 ans nous attend. Elle a été mariée de force en 2012, battue, violée par son mari. Avec beaucoup de culpabilité elle a laissé sa fille et a du fuir. Au pays elle a rencontré une femme qui l’a aidée à venir en France. En arrivant elle a été séquestrée et violée par plusieurs hommes pendant un mois. Elle a réussi à s’échapper, elle est arrivée hier à Paris.
Nous pensons au dépôt de plainte. Elle se sent faible, vomit, ne peut rien avaler… Le test de grossesse est positif, elle n’a que quelques jours pour prendre une décision. Elle est perdue, apeurée, en larmes « j’ai fui mon pays parce j’avais des problèmes, j’en ai encore ici ».
Une famille arrive, deux enfants de 2 et 8 ans, une maman avec un ventre de fin de grossesse et des valises… La journée n’est pas finie.
Personne ne répond au 115, l’Ofii2 coupe la ligne toutes les 45 minutes. Le Comede paiera des nuits d’hôtel. Ces demandeuses d’asile ne peuvent pas rentrer dans le système : violences obsédantes.
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1Procédure Dublin : Accord entre les pays de l’Union Européenne + Norvège, Islande, Suisse et Lichtenstein prévoyant qu’un seul pays est responsable de la demande d’asile : le 1er traversé.
2 Depuis le mois de mai 2018, les demandeurs d’asile en Ile-de-France doivent contacter le 01 42 500 900 (prix d’un appel local) pour avoir un RDV en PADA (plate forme pour demandeur d’asile). 1ere étape dans la procédure de demande d’asile.