L’importance de comprendre

21 février : Journée Internationale de la langue maternelle

L’importance de l’interprétariat professionnel dans l’accompagnement et l’accueil des personnes exilées est très rapidement devenue majeure au Comede. En 2021, 40% des personnes accueillies dans nos dispositifs étaient allophones. Si au Comede le recours à l’interprétariat professionnel est généralisé, dans l’accueil dit « du droit commun » la pratique peine encore à se faire une place. Pourtant, une compréhension mutuelle entre médecin et patient-e est indispensable pour garantir une prise en charge efficace, rapide et pertinente.

« L’interprétariat linguistique dans le domaine de la santé garantit aux professionnels de santé les moyens d’assurer la prise en charge des personnes qui ne maîtrisent pas ou imparfaitement la langue française dans le respect de leurs droits prévus au présent titre, notamment du droit à l’information, du droit au consentement libre et éclairé, du droit au respect de leur vie privée et au secret des informations les concernant. »
Article D. 1110-6 du CSP, issu du décret n° 2017-816 du 5 mai 2017

Pour toute la ressource liée à l’interprétariat professionnel, voir le site du Guide Comede ici.

 

Bien se comprendre

Dans une publication canadienne de 2001, S. BOWEN écrit « qu’il a été démontré que les barrières linguistiques ont des effets négatifs sur l’accès aux soins de santé, sur la qualité des soins, sur le droit des patients, sur le degré de satisfaction des patients et des intervenants et, surtout, sur les résultats des traitements donnés aux patients. »

Pour permettre une meilleure orientation et prise en charge des patient-es, le Comede a établi une liste des indicateurs de vulnérabilité sociale et de détresse sociale. Parmi les 8 critères répertoriés : maitriser suffisamment le français pour être autonome dans sa vie quotidienne. Une maîtrise orale suffisante du français pour demander son chemin, comprendre les résultats d’un bilan ou effectuer une demande de droits. Dans une enquête* réalisée fin 2020 au Centre De Santé (CDS) à l’hôpital de Bicêtre (94), 7% des interrogés n’ont pas eu accès à un-e professionnel-le de santé dans le système médical de droit commun en raison d’un frein dû à la langue. Les obstacles caractérisés le plus fréquemment sont la barrière de la langue et l’absence d’interprète professionnel (58%). Pour les personnes ayant consulté un-e professionnel-le de santé, 62% ont déclaré avoir eu des difficultés lors de la consultation ou à son issue et 49% des difficultés liées à la langue.

De leur pratique quotidienne au côté des personnes exilées, les soignants du Comede ont acquis la certitude qu’il est impératif de garantir au patient le droit de comprendre et de se faire comprendre pour qu’il soit effectivement acteur du soin.
Yasmine Flitti, « Traduire pour ne pas trahir », Maux d’exil, n°49

Un interprétariat professionnel est le garant du secret médical

La France a dans le domaine de l’interprétariat un retard a rattrapé sur ses voisins européens. Certains pays ont inscrit le droit à l’interprétariat dans leurs textes officiels et le recours au service y est bien développé. En France, malgré une reconnaissance en 2016 par la loi de modernisation du système de santé, l’interprétariat professionnel reste très peu utilisé.  Il a pourtant fait l’objet, en 2017, d’un référentiel de bonnes pratiques élaboré par la Haute Autorité de santé (HAS).

L’article L1111-2 du code de la santé publique indique que : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé », « d’une manière adaptée à leur capacité de compréhension. » en précisant « Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser »

Le-a patient-e à qui l’on propose un interprétariat accède à un service de qualité et impartial : « La présence d’un.e interprète en consultation est d’abord un signe adressé au patient.e : « Votre parole et votre langue ont assez d’importance et de valeur pour que j’accepte d’adapter ma manière habituelle de travailler. » » – Traduire pour ne pas trahir », Maux d’exil, n°49

Son ou sa praticien-ne s’assure que le secret médical est conservé. Enfin, la ou le patient-te est autonome dans sa consultation et ne dépend pas d’un-e proche qui devrait endosser le rôle de traducteur-trice. Le recours à un-e accompagnant proche du ou de la patient-te est un piège facile auquel il faut absolument résister : le faible niveau de maîtrise des deux langues et la nature de la relation avec le.la patient·e (famille ou proche aux intérêts parfois divergents de ceux de la personne accompagnée, service payé, etc.), présentent des risques pour le secret professionnel, la qualité des soins et la relation thérapeutique.

Quelques données sur l’interprétariat au Comede. Issues du Rapport d’activité et d’observation 2022, sur l’activité 2021. Pour télécharger le rapport en entier, cliquez ici.

La journée internationale de la langue maternelle rappelle qu’il est primordial de comprendre et de se faire comprendre pour être acteur de son autonomie au sein d’une communauté.

Des ressources possibles pour les établissements de santé

Toutes les ARS – Agences Régionales de Santé – disposent de crédits destinés aux hôpitaux publics et plus particulièrement aux PASS – Permanence d’accès aux soins de santé. Les professionnel-les de santé souhaitant en bénéficier peuvent se rapprocher de leur ARS. Certaines, sont d’ailleurs très actives dans la promotion des services d’interprétariat comme l’ARS de Normandie : Voir le flyer ici.

Le réseau Rimes est composé des associations ayant élaboré, en 2019, la Charte de l’interprétariat médical et social professionnel en France. Selon ses membres, « RIMES vise à renforcer la qualité des services d’interprétariat professionnel en France dans les domaines médical, social, administratif et éducatif, et à faire reconnaître l’importance de l’interprétariat professionnel pour des parcours d’intégration réussis et pour l’égalité d’accès aux droits. » Voir les coordonnées des membres sur notre site Guide Comede.

Les livrets de santé bilingue : Disponibles en 15 langues, les livrets de santé bilingues sont un support de communication et de dialogue pour les personnes migrantes et les professionnels de la santé ou du social. Ils ont été élaborés avec le Comede et plusieurs associations partenaires. Ils sont conçus pour aider chacun à mieux comprendre le système de protection maladie français, les droits et démarches. Ils abordent les principales thématiques de santé et fournissent des informations pratiques pour la vie quotidienne. Pour cela le livret présente en page de gauche le texte en français et en page de droite, le même texte traduit dans l’une des 15 langues. Commander des livrets de santé bilingue gratuitement.

 

Vous pourrez retrouver sur le site du Guide du Comede toutes les ressources nécessaires au plaidoyer en faveur de l’interprétariat ainsi que les coordonnées des organisations qualifiées. ICI.

 

*Effectuée fin 2020, cette enquête a porté sur un total de 160 personnes, par entretien à l’aide de deux questionnaires, les entretiens ayant été effectués par les accueillantes sociales et les médecins lors de la première consultation. Les questions portaient sur l’accès aux soins en France au cours des 12 derniers mois.


Sources :