La politique du « no limit » des préfectures d’Île-de-France
Renvoi des personnes en demande d’asile : la politique du « no-limit » des préfectures d’Ile de France
Collectif Asile en Ile-de-France (ACAT, la Cimade IDF, Centre Primo Levi, Comede, Dom’Asile, GAS, JRS France, Secours Catholique – Caritas France IDF, Solidarité Jean Merlin)
Depuis le mois de juillet 2016, les préfets d’Ile de France redoublent d’efforts pour transférer des personnes en demande d’asile dans d’autres Etats membres de l’Union européenne et se conformer aux instructions du ministre de l’Intérieur.
Les associations signataires dénoncent aujourd’hui les conséquences humaines et juridiques du choix assumé d’une « politique du résultat », laissant de côté le respect du droit et surtout le respect de personnes pour la plupart marquée par leur exil.
Elles appellent les autorités, à défaut d’accepter d’abandonner la procédure Dublin, à se conformer aux règles de droit et à utiliser toutes les possibilités offertes pour tenir compte des situations individuelles.
En faisant prospérer de telles pratiques, le ministère de l’Intérieur prive délibérément d’accès à une protection internationale plusieurs milliers de personnes souhaitant solliciter l’asile en France et qui se retrouvent perdues dans les limbes de l’administration. Par cette manœuvre il imagine certainement qu’il stoppera un supposé appel d’air, alors que tous les jours, et depuis 20 ans, le « système Dublin » démontre sa faillite à répartir de manière équitable et humaine les réfugié.e.s en Europe.
Cette procédure dite « Dublin » était jusqu’alors peu utilisée car elle est lourde et complexe à mettre en œuvre. La procédure n’ayant pas changé, les services préfectoraux font preuve d’imagination pour la rendre « efficace » et se conformer ainsi aux vœux du ministre de l’Intérieur.
Aperçu des pratiques préfectorales abusives
- Ne plus enregistrer les personnes comme demandeurs.euses d’asile tout en leur appliquant la « procédure Dublin »
Pratique préfectorale constatée :
Dans le cadre d’un contrôle de situation administrative des personnes mises à l’abri au camp parisien, les préfectures mettent en œuvre la procédure de transfert dans un Etat européen en considérant ces personnes en situation irrégulière sans prendre en compte l’enregistrement de leur demande d’asile. Ces personnes sont ensuite regroupées dans des centres d’hébergement d’urgence en Île de France afin de faciliter leur arrestation et les renvois groupés.
Conséquences pour les personnes :
Ces personnes ne bénéficient pas des droits sociaux prévus pour les personnes en demande d’asile et sont assignées à résidence dans des centres transformés en antichambre des transferts au sein desquels l’accès à des informations fiables et à un accompagnement juridique et social est souvent très limité voir absent.
- Rallonger les délais de transferts (de 6 à 18 mois) en poussant les personnes à ne pas suivre leur procédure
Pratiques préfectorales constatées : Les préfectures :
- adressent des convocations écrites ne comprenant pas l’adresse du rendez-vous.
- proposent des rendez-vous en laissant planer la menace d’un placement en centre de rétention administrative.
- assignent à résidence les personnes dans des hôtels n’ayant pas les capacités matérielles de les accueillir.
Conséquences pour les personnes:
- avoir peur des convocations de l’administration
- ne pas pouvoir se rendre aux convocations faute d’information
- rendre extrêmement complexes le suivi de sa procédure Dublin, d’assignation à résidence et la recherche d’un hébergement digne.
- être alors déclarées en fuite par les préfectures et devoir attendre plus de 18 mois avant de pouvoir demander l’asile
- Contester systématiquement les décisions des tribunaux qui annulent les transferts
Pratique administrative constatée :
Certaines préfectures font systématiquement appel des décisions des tribunaux administratifs qui annulent des transferts en raison des liens familiaux de la personne en France ou des risques de violation de ses droits dans l’Etat membre où elle doit être renvoyée.
Conséquence pour les personnes :
Ne pas être fixée sur son sort avant l’issue de la procédure devant la Cour administrative d’appel qui peut durer entre un et deux ans
Les associations signataires demandent l’abandon de la procédure Dublin. À défaut, elles demandent à ce que :
- Les personnes reçues en préfecture après passage au centre humanitaire de La Chapelle soit considérées comme des demandeurs.euses d’asile et bénéficient des droits sociaux et de séjour attachés à ce statut ;
- Les préfectures fassent preuve de sincérité et de transparence dans les convocations et les assignations à résidence remises aux personnes afin de ne pas les placer vainement en fuite ;
- Les préfectures n’appliquent pas le règlement Dublin aveuglement et accordent une attention sincère aux autres éléments permettant de déterminer l’Etat responsable de la demande, notamment la présence de membres de famille, les craintes de traitement inhumain ou dégradant, le parcours de soins, etc.