Journée internationale des droits des femmes
Les Brèves d’exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe pluridisciplinaire du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.
Brève d’exil : « Effondrements »
Fuir, tout abandonner, devoir laisser ses enfants, ne pas savoir où est son mari, partir pour sauver sa vie, vite. Angoisse, peur, tristesse, douleur, panique, on est bien loin du champ lexical des vacances prises sur un coup de tête.
Etre demandeuse d’asile ce n’est pas qu’un statut administratif qui ouvre des droits dans un pays d’accueil. Les femmes que nous accompagnons au Comede, ont toutes une histoire douloureuse parsemée de violences. C’est ce qui les pousse à se séparer de leur famille, de leur pays, de leur vie. C’est cette vie qui s’effondre, d’un coup.
Sans surprise, les conséquences de l’exil sur la santé mentale et physique sont presque inévitables. La découverte d’une maladie grave vient parfois s’ajouter à ce triste tableau, avec l’urgente nécessité d’accéder à des soins spécialisés sans attendre trois mois. C’est le cas pour cette jeune patiente.
Elle avait une vie plutôt confortable, un mari fonctionnaire, une maison et des enfants en bonne santé. La famille venait même de s’agrandir avec un petit 4ème !
C’est l’instant d’une nuit que tout bascule. Des militaires entrent chez eux, violemment. Le régime politique vient de changer et son mari n’est plus du « bon côté ». Aujourd’hui elle ne sait pas s’il est mort ou vivant.
La patiente nous décrit alors des scènes très violentes, les coups qu’elle reçoit et ses efforts pour protéger ses enfants.
Inquiet, le pasteur de sa communauté organise sa fuite en avion et s’occupe de ses enfants en attendant de pouvoir les confier à leurs grands-parents.
Elle, elle a mal aux seins.
Elle pense que c’est à cause des coups qu’elle a reçus cette nuit-là. Mais c’est bizarre, cela ne passe pas. Au contraire, elle a de plus en plus mal !
Une semaine après son arrivée en France, elle se présente au centre de santé du Comede. C’est une sœur de l’église qui lui a conseillé de venir ici. Elle y est reçue par un médecin puis directement accompagnée aux urgences.
Elle y passera la nuit et la prise en charge hospitalière sera vite organisée.
Parallèlement, nous l’accompagnons dans sa demande d’asile. Une fois sortie des urgences, nous payons des nuits d’hôtel, et trouvons un hébergement quelques jours plus tard. Hors de question de la laisser dormir dehors une nuit de plus.
Ce n’est pas la première fois que nous devons tout lâcher pour mobiliser notre énergie, notre réseau et nos moyens parce que la situation vécue par la patiente n’est pas acceptable.
Mais cette fois s’ajoutent la maladie, le sérieux et le visage des soignants qui l’examinent, la fatigue, les douleurs.
TouTEs les profesionnelLEs qui la rencontrent se mobilisent. Pas de refus de soins cette fois. Pas de problème pour annuler son transfert vers Besançon dans le cadre de sa demande d’asile. L’OFII trouve même une place dans un hébergement proche de l’hôpital.
Elle, elle est très inquiète pour ses enfants. Au bout de quelques jours elle réussit à joindre son frère, les enfants sont avec lui.
Ici, elle a trouvé le soutien de compatriotes, des « sœurs d’Eglise » qui passent la voir presque tous les jours.
Puis vient le jour de la consultation d’annonce : le diagnostic est confirmé, cancer du sein très avancé.
Tout s’effondre à nouveau.
L’accueil et l’accompagnement des femmes au Comede
8 mars : Journée internationale des droits des femmes
Les femmes exilées sont un des groupes prioritaires au Comede. Au croisement de plusieurs critères de vulnérabilité, elles cumulent souvent les épisodes de violence au pays d’origine, sur le parcours de l’exil et dans le pays d’accueil. Les femmes représentent la moitié des personnes exilées et elle constituent également 40% des réfugié.e.s et protégé.es subsidiaires en 2019 en France.
Des patientes extrêmement précarisées
Les différentes réformes successives et la politique migratoire en générale qui est actuellement appliquée encouragent la dégradation de l’accès aux soins des personnes exilées. Des parcours d’exil de plus en plus compliqués, favorisés par une précarité administrative globale et des conditions d’accueil détériorées entrainent un accès aux soin compliqué et la dégradation de l’état de santé des personnes ou parfois même l’apparition de nouvelles pathologies.
Au Comede, si la totalité des patient.e.s s’affirme dans au moins un des critères de vulnérabilité, Certains chiffres sont encore plus alarmants concernant les femmes. 21% des patientes reçues à l’accueil n’avaient pas un accès sécurisé à l’alimentation. D’ailleurs, 29% des patientes se retrouvaient en détresse sociale. Un.e patient.e est désigné.e en détresse sociale lorsqu’il ou elle confirme au moins 5 des critères de vulnérabilité : Allophonie, problème d’hébergement, problème de séjour, isolement relationnel, pas de protection maladie, revenus inférieur au seuil CSS, problème pour s’alimenter, problème pour se déplacer /prendre les transports.
Ces chiffres sont plus élevés que dans le groupe des patients masculins.
Des récits de violences générales et spécifiques
Dans le rapport du Comede, un autre chiffre très significatif est également à noter. Parmi les 1 720 patient.e.s du Centre de santé ayant eu au moins 3 consultations médicales ou psychologiques entre 2017 et 2021, 1 707 (99%) personnes déclaraient des antécédents de violences, de torture et de violence de genre. Les violences liées au genre sont très présentes dans les récits des femmes reçues au Comede : les mutilations sexuelles féminines (principalement chez les femmes d’Afrique de l’ouest), les mariages forcés et les violences conjugales, dans leur pays d’origine.
Dans notre observation, nous notons que 42% des événements de violence rapportés sont en lien avec la famille. Les femmes sont victimes de leur partenaire ou de leur belle-famille (28%), puis de représentants de l’Etat (policiers, militaires, geôliers, 19%). Si ces violences ont lieu dans les pays d’origine et ont pu contribuer à motiver le départ, les femmes exilées sont confrontées à des violences sexuelles sur l’ensemble du parcours d’exil. Arrivées dans le pays d’accueil, les violences continuent souvent lorsqu’elles sont « à la rue » ou se voient contraintes d’accepter un hébergement en échange de services sexuels. Le Comede propose à ces personnes un accompagnement physique lorsqu’elles souhaitent porter plainte.
Finalement, suite à ces parcours de violence on retrouve des symptômes de psychotraumatisme chez 36% des femmes du Centre De Santé.
Un accompagnement dédié
Pour répondre aux enjeux de l’accompagnement et d’accueil des patientes du Comede, des consultations de gynécologie, santé et sexualité sont disponibles. Ces consultations permettent d’aborder les questions relatives à la santé sexuelle pour des femmes ayant été confrontées à de multiples violences dans ce domaine. La médecin et la sage-femme intègrent également des actions de prévention, dépistage (frottis cervico- vaginal), contraception et traitements. Au Comede, parmi les personnes vivant avec le VIH, 70% sont des femmes (74% ont découvert leur infection lors de l’arrivée en France). Ce travail de prévention auprès des femmes est donc primordial.
Lors de ces consultations, les notions de désir, de plaisir et de consentement sont abordées et des groupes de parole sont déployés en complément.
Enfin, des ateliers de danse à but thérapeutique proposent des pistes pour apprendre à ré-habiter son corps et à l’apprécier quand les épisodes de violence et la précarité l’ont fait tant souffrir. Les patientes qui le souhaitent peuvent être orientées vers cet atelier de danse où l’on est amenée en douceur vers l’autonomie et l’avenir par le mouvent et la réflexion. Menées par des psychologues, les ateliers de danse à but thérapeutique sont co-construits avec les patientes et disponibles pour toutes les femmes qui le souhaitent, à Paris et à Saint Etienne.
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