« Il n’y a plus d’espoir »
L’arrivée en France est dure pour toutes les personnes que le Comede accompagne. La fatigue, la précarité, l’exil, la séparation, les lourdeurs administratives font partie de leur quotidien. Chacun, chacune se bat, trouve encore l’énergie pour avancer. Parfois, il n’y a plus d’espoir. Il faut « débrancher » et accepter.
Bicêtre - septembre 2018. Une grosse valise au milieu de la salle d’attente, autour se serrent une maman au ventre très arrondi et ses quatre enfants. Ils sont en France depuis moins d’une semaine. Le passeur leur a repris les passeports d’emprunts et les a laissés à Roissy en descendant de l’avion. Six nuits à dormir dehors, six jours à marcher, à s’occuper de la procédure asile. En moins d’une semaine, ils ont été orientés par l’OFII et enregistrés au Guichet unique des demandeurs d’asile (GUDA).
Administrativement, ils avaient les « bons papiers », effectué toutes les démarches en un temps record mais il n’y avait pas de place d’hébergement pour une telle configuration familiale dans le département où ils étaient enregistrés et le « national » n’avait pas été prévenu. Les enfants, âgés de 2 à 14 ans, sont sages. Les grands s’occupent des petits. Cette maman reste digne, ne craque pas… pas tout de suite.
En milieu d’après-midi elle s’effondre, elle pleure, elle ne peut plus dormir dehors, elle ne peut plus faire dormir ses enfants dehors. Nous cherchons un hôtel, c’est la fashion week, tout est complet, même loin. Nous sollicitons alors un hébergement citoyen, nous les accompagnerons jusqu’au point de rendez-vous. C’était un mardi. Le mercredi, elle était attendue à la Plateforme pour demandeurs d’asile (PADA).
En route, dans le train, elle appelle le Comede, elle saigne beaucoup et ne sait pas quoi faire. Nous lui conseillons d’appeler les pompiers. Elle est conduite aux urgences les plus proches, les quatre enfants seront confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et placés provisoirement. Sa fille naît par césarienne le jour même. En grande souffrance, elle a « des fils partout » et ne quittera pas le service de néonatologie. Jeudi, l’ASE contacte le Comede. Ils sont très clairs : soit il y a une solution d’hébergement pour cette famille, soit les enfants sont placés définitivement ou renvoyés à leur père en Guinée. L’ASE doit rendre une évaluation et un avis au juge avant mardi matin, ils ont besoin d'une réponse lundi soir au plus tard.
Le compte à rebours commence, il reste trois jours pour trouver une solution. La PADA et l’assistante sociale de la maternité semblent peu investies, l’équipe du Comede va devoir pallier. Nous n’avons plus le temps de passer par les procédures habituelles. C’est une responsable de l’OFII local qui sera notre interlocutrice et qui défendra cette famille au « national ».
Le lundi à 15h30, une place est bloquée. Cette maman et ses enfants sont attendus le 23 octobre dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Caen. L’ASE joue le jeu, la préconisation pour le juge sera un placement provisoire ou administratif des enfants jusqu’à cette date. Ils seront ensuite remis à leur maman.
Mardi matin, la petite fille passe une radio pour que les médecins décident de la suite à donner. Vendredi matin, la décision a été prise de la « débrancher ». Ça y est, c’est ce matin, « il n’y a plus d’espoir ».
Aujourd’hui cette maman pleure, seule, et personne ne peut la consoler.