Femmes exilées

Populations

En 2022, le Comede a soigné et accompagné 3 380 femmes exilées, dont 1 970 dans le cadre des permanences téléphoniques, 739 au Centre De Santé  et 671 dans les autres lieux de soins.

Les femmes ont plus souvent des enfants (37%, et sont plus souvent parentes isolées (17% PT).

Au Comede, si la totalité des patient·es s’affirme dans au moins un des critères de vulnérabilité, certains chiffres sont encore plus alarmants concernant les femmes. 21% des patientes reçues à l’accueil n’avaient pas un accès sécurisé à l’alimentation. D’ailleurs, 29% des patientes se retrouvaient en détresse sociale. La détresse sociale est confirmée par au moins un des 5 critères de vulnérabilité : Allophonie, problème d’hébergement, problème de séjour, isolement relationnel, pas de protection maladie, revenus inférieur au seuil CSS, problème pour s’alimenter, problème pour se déplacer /prendre les transports.

Ces chiffres sont plus élevés que dans le groupe des patients masculins.

Plus d’une femme sur cinq n’a pas bénéficié de scolarisation dans le pays d’origine. Elles sont 32% a avoir suivi une formation secondaire, 1% une formation primaire et 14% universitaire. Près de la moitié des exilées (41%) étaient sans profession (dont étudiantes) dans le pays d’origine, les professions le plus souvent exercées étant commerçantes (16%), employées (11%) et professions intermédiaires (5%).

Les violences liées au genre sont très présentes dans les récits des femmes reçues au Comede

les mutilations sexuelles féminines (principalement chez les femmes d’Afrique de l’ouest), les mariages forcés et les violences conjugales, dans leur pays d’origine. 42% des événements de violence rapportés sont en lien avec la famille. Les femmes sont victimes de leur partenaire ou de leur belle-famille (28%), puis de représentants de l’Etat (policiers, militaires, geôliers, 19%). Si ces violences ont lieu dans les pays d’origine et ont pu contribuer à motiver le départ, les femmes exilées sont confrontées à des violences sexuelles sur l’ensemble du parcours d’exil. Arrivées dans le pays d’accueil, les violences continuent souvent lorsqu’elles sont « à la rue » ou se voient contraintes d’accepter un hébergement en échange de services sexuels.

Finalement, suite à ces parcours de violence on retrouve des symptômes de psychotraumatisme chez 36% des femmes du Centre De Santé.


Ressources sur l’accompagnement des femmes au Comede

Etat de santé

Les femmes qui s’adressent au Comede vivent dans des conditions d’hébergement très précaires (96% des patientes du Centre de santé et 86% des bénéficiaires des PT n’ont pas de « chez soi »), et disposent de ressources inférieures au plafond de la CMUc (99% CDS, 93% PT). En 2017, la proportion de femmes sans hébergement a atteint 41% des patient.e.s du CDS (13% à la rue et 15% en hébergement d’urgence) et 16% des bénéficiaires des permanences téléphoniques. Les autres exilées étaient principalement hébergées chez un particulier et en hébergement social. Bien que plus fréquemment atteintes d’une maladie grave, elles sont très souvent dépourvues de protection maladie et se trouvent en situation de séjour précaire. Elles vivent une situation de grand isolement affectif et social (21% des patientes n’ont pas de proche et 26% sont en situation de détresse sociale), et dans un grand dénuement (23% n’ont pas mangé à leur faim au cours des derniers jours), tandis que 30% des patientes nécessitaient le recours à un interprète.

La plupart des femmes soignées au Centre de santé ont subi des violences dans leur pays d’origine, durant le parcours, et/ou lors des premiers mois de leur arrivée en France : 60% déclaraient des antécédents de violences (définition OMS), 30% des antécédents de violences liées au genre (voir encadré ci-contre), et 9% des antécédents de torture (définition ONU). Parmi les femmes suivies en psychothérapie, ces taux s’élèvent respectivement à 94%, 74% et 26%. Près de la moitié de ces femmes présentent des troubles de la concentration, de l’attention et/ou de la mémoire (47%) et 29% d’entre elles avait eu des idées suicidaires au cours de l’année écoulée.

En matière d’épidémiologie médicale, les femmes exilées sont plus souvent atteintes que les hommes d’infection à VIH (5 fois plus), maladies cardiovasculaires et cancers (x 2), ainsi que de troubles psychiques graves (x 1,6) et d’hépatite C chronique (x1,3). Par ordre de fréquence, elles sont principalement atteintes :

  1. de troubles psychiques graves (taux global 248 pour 1000, plus des deux tiers étant des syndromes psychotraumatiques et traumas complexes),
  2. de maladies cardiovasculaires (120),
  3. de diabète (55),
  4. d’infection chronique par le VHB (38),
  5. d’infection par le VIH (33),
  6. et d’infection chronique par le VHC (21).

Les personnes victimes de violence de genre, incluant des hommes homosexuels, présentent des taux plus élevés pour les troubles psychiques, l’infection par le VIH, et l’anguillulose.

Dans ce contexte de vulnérabilité multiple, la grossesse et la périnatalité constituent des périodes particulièrement à risque pour la femme et l’enfant. Parmi les 449 femmes enceintes suivies au Centre de santé entre 2012 et 2017, la grossesse était consécutive à un viol dans 14% des cas, 55% des femmes ne recevaient aucun soutien du père de l’enfant, alors que le suivi de la grossesse était incomplet dans près de la moitié des cas. 

Coordination « femme et genre » et actions spécifiques

A la suite des premières recherche & actions conduites par le Comede sur les phénomènes de double violence et de double discrimination à l’égard des femmes exilées, une coordination pluridisciplinaire « femmes et genre » a été mise en place en 2012 pour affiner les données d’observation, sensibiliser l’équipe et les partenaires du Comede, et proposer de nouvelles actions à destination des femmes et sur les problématiques de genre.

Les violences liées au genre englobent les violences à l’égard des femmes, les violences sexuelles qui, si elles affectent principalement des femmes, touchent aussi des hommes, ainsi que les violences liées à l’orientation sexuelle et l’identité de genre que subissent les personnes homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles, transgenres et intersexes (LGBTI). Universelles, ces violences sont toutes liées à des représentations et rôles de genre dominés par l’inégalité entre hommes et femmes et le modèle hétérosexuel du couple et de la sexualité. Au Comede, l’attention à la situation des femmes et aux violences liées au genre se concrétise dans des relations soutenues avec des associations de soutien aux femmes et aux personnes LGBTI, notamment grâce au travail d’orientation effectué à partir de l’accueil du Centre de santé.

Face aux situations de grande vulnérabilité et d’isolement rencontrées parmi les patientes du Centre de santé, le Comede a mis en place une consultation de gynécologie en juin 2016 (68 consultations réalisées fin 2016) ainsi qu’une consultation de sage-femmes en avril 2017 pour le suivi des femmes enceintes.

Dans les années à venir, le Comede souhaite poursuivre et développer ses actions à destination des femmes et des victimes de violences liées au genre. L’équipe travaille actuellement à la conception d’un lieu d’accueil de jour pour les femmes, dans lequel activités de groupe et soutien individuel contribueraient à favoriser la création de nouveaux liens sociaux et à améliorer la situation des femmes exilées. L’année 2013 a été une phase de conception et de préparation d’un projet spécifique à destination des femmes. Fondé sur une démarche participative, ce projet a débuté dès le premier trimestre 2014 par la mise en place de réunions rassemblant usagères du Centre de santé et membres de la coordination femmes et genre afin de déterminer les activités à proposer dans le cadre de l’accueil de jour. Ces réunions ont pour objectif de recenser les besoins et attentes des femmes exilées en termes d’accompagnement et d’activités autres que ce que propose le Centre de Santé. Cet état des lieux permettra de formuler des propositions dans un projet adapté. Des contacts pris, entre autres lors de la recherche de salle pour ces réunions mensuelles, ont d'ores et déjà abouti à un partenariat avec la Maison des Femmes de Paris.

"L'atelier de danse" constitue une autre action pilote du Comede en vue de la création du dispositif d'accueil de jour. Institué en 2014, il se déroule au Cinq, l’espace dédiée aux activités artistiques pour les amateurs du CentQuatre, établissement culturel de la mairie de Paris. Il réunit deux fois par mois (un mercredi sur deux actuellement) sept femmes ayant vécu des violences multiples et en situation de suspens administratif, social et psychique. Les participantes sont orientées par les soignant.e.s du Comede. L’atelier est animé par une danseuse psychologue, également consultante au Centre de santé. Il mêle danses traditionnelles, danse libre, relaxation et moment d’échange.