Rapport sur l’accompagnement psychologique des MNA (Comede/MSF)
Depuis 2017, Médecins Sans Frontières (MSF) et le Comede accompagnent et soignent sur le plan psychologique des Mineur.e.s Non Accompagné.e.s (MNA) dont la minorité n’est pas reconnue par l’Aide Sociale à l’Enfance et à ce titre en recours devant le Juge des enfants. Dans leur pays d’origine et au cours de leur parcours migratoire, les MNA ont fait face à de la violence et à des situations de rupture familiale, souvent liées à la perte d’un proche ou d’un compagnon de route. « Ni mineur-e-s, ni majeur-e-s » en France, ils/elles font l’expérience de l’extrême précarité, induite par des conditions d’accueil indignes. Du fait de ces parcours difficiles, les MNA sont des jeunes chez qui la prévalence des psychotraumatismes, des troubles réactionnels à des facteurs de stress et des troubles dépressifs est élevée.
Les mesures de restrictions, instaurées par le gouvernement en mars 2020 pour faire face à la pandémie de COVID-19, ont créé un contexte favorable à l’aggravation des troubles psychiques chez les MNA qui, comme le reste de la population, ont été plongés dans l’incertitude du nouveau contexte sanitaire. La précarité socio-administrative et l’isolement qui les caractérisent ont accentué les effets délétères du confinement sur leurs équilibres psychiques.
Pour les MNA à la rue, la période du confinement a été particulièrement éprouvante. Elle a aggravé la logique de survie de ces jeunes, pour qui la satisfaction des besoins essentiels est devenue impossible et épuisante du fait de la fermeture ou du changement des points d’accès habituels aux distributions alimentaires et aux douches. Elle a également été synonyme d’un profond sentiment de déshumanisation. La totalité de la population civile s’est confinée, laissant derrière elle des rues vides, dans lesquelles les MNA ont vécu dans la peur et le sentiment d’exclusion, parmi d’autres populations marginalisées, « confinées » dehors. Ils ont souffert d’angoisses massives et d’idées suicidaires et se sont retrouvés isolés et paralysés.
30% des jeunes ont vu leur symptomatologie liée à des troubles réactionnels, à des facteurs de stress, à de la dépression ou à des psychotraumas, se redéployer et être majorée au cours du confinement.
Il nous est possible de faire état de tels constats grâce à la poursuite, malgré l’état d’urgence sanitaire, des interventions psychologiques de l’équipe en santé mentale de Médecins Sans Frontières et du Comede. Les psychologues ont saisi la nécessité de maintenir le lien avec les jeunes. Elles ont adapté leur pratique clinique en proposant des consultations téléphoniques à leurs patients qui, pendant le confinement, se déplaçaient peu. Elles ont aussi mené des actions de prévention qui ont permis d’informer les jeunes, de soutenir leur expression et leurs ressources internes et d’identifier ceux en souffrance psychique.
Pour les MNA qui ont bénéficié de l’hébergement d’urgence financé par MSF, le confinement a été synonyme d’anxiété massive, de troubles du sommeil, de troubles de l’attention et de troubles de la concentration. Le poids de l’éloignement des proches, des ruminations face à l’absence de perspective mais aussi du sentiment de préjudice sans compensation dû au temps qui passe et qui risque de rendre caduque la procédure en reconnaissance de minorité ont mis en péril les équilibres psychiques déjà fragiles des MNA.
79% des jeunes suivis par les psychologues de MSF et du Comede ont fait état d’une anxiété plus ou moins intense par rapport à leurs démarches administratives et juridiques.
Ce rapport rend compte des initiatives prises pour maintenir le lien et accompagner les jeunes dans cette période angoissante. Il dresse également des recommandations. Adressées aux acteurs compétents, elles ambitionnent de les aider à mieux répondre aux besoins en santé mentale des MNA dans un contexte pandémique durable qui rend encore plus criants le délaissement et l’exclusion de ces jeunes, largement oubliés des politiques publiques de santé mentale.
Le partenariat entre MSF et le Comede
Dans le cadre du partenariat entre Médecins Sans Frontières et le pôle santé mentale du Comede, les psychologues proposent écoute, soutien et suivis psychothérapeutiques aux mineurs en attente de reconnaissance de minorité, reçus au centre d’accueil de jour de Pantin. Cette collaboration permet aux psychologues des deux organisations de travailler ensemble dans le même lieu, de partager leurs expériences cliniques mais aussi de se retrouver autour de projets et d’actions communes. Leur intervention, fondée sur le principe de subsidiarité, répond aux besoins de jeunes qui ne trouvent pas leur place dans les dispositifs de droit commun du fait de la rareté des structures d’accueil. Pour faciliter l’orientation et l’intégration des jeunes dans les dispositifs de droits communs, les deux organisations mènent également des actions de plaidoyer.