Brève d’exil : Un été (pas) comme les autres ?

Les Brèves d’exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe pluridisciplinaire du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.

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Un été (pas) comme les autres ?

Bicêtre, été 2020

L’été est là, le coronavirus aussi. La France est toujours en « état d’urgence », tandis que la trêve hivernale a été prolongée jusqu’au 10 juillet. Au centre de santé du Comede à Bicêtre, les « situations » s’enchaînent les unes après les autres. Un sentiment de submersion nous envahit.

Fatoumata*, guinéenne, revient nous voir ce matin. Nous la connaissons depuis 4 jours. Elle est en France depuis 2016 et a été déboutée de sa demande d’asile. Sans solution d’hébergement, elle accepte depuis un an de dormir chez des compatriotes en échange de faire le ménage, la cuisine, les courses… Elle nous explique que plusieurs familles « se la partagent ».

La semaine dernière, elle a eu très peur : elle a été menacée de mort avec un couteau par l’hébergeur. Elle a trouvé l’adresse du Comede sur Internet. Elle n’a plus de protection maladie et a été opérée du cœur à son arrivée en France, elle a peur pour sa santé et vient voir un·e médecin.

Alimata* est aussi guinéenne, elle a accouché le 16 juin, une petite fille, sa première. L’allaitement est un peu compliqué mais elles sont patientes et tenaces toutes les deux. La sortie de maternité ne s’est pas bien passée, aucune solution d’hébergement n’a été trouvée. Alimata nous explique que l’assistante sociale de l’hôpital lui a dit de retourner au Comede pour appeler le 115. Elle est donc arrivée ce matin, avec son bébé de 10 jours dans les bras, sans solution.

Le 115 lui rappelle qu’elle est demandeuse d’asile et qu’elle ne relève pas de leur service directement. Il faut obligatoirement et exclusivement qu’elle passe par la plateforme pour les demandeur·e·s d’asile. Elle a débuté sa demande en tant qu’isolée, mais puisque sa situation familiale a changé, elle relève à présent de la PADA1 « famille ». Elle n’a pas eu le temps de faire le changement avant le confinement, c’était trop tard ensuite…

Mariam* et son fils de 3 ans sont ivoiriens, ils sont arrivés en France depuis quelques jours seulement. Elle n’a pas encore réussi à joindre l’OFII pour faire enregistrer sa demande d’asile, elle tente désespérément d’appeler le 115 également, un téléphone dans chaque main. Hier soir, ils ont dormi dans une « maison », une toute petite maison, dans un square parisien…

Mussarat* est bangladaise. Elle a laissé ses deux enfants âgés de 8 et 10 ans à l’hôtel. La fin de la prise en charge était le 3 juillet, elle arrive au Comede très stressée. Depuis ce matin, elle tente de joindre le 115 sans y parvenir. Elle attend, elle attend et au bout d’un quart d’heure la sonnerie change. C’est occupé. Toute la journée, c’est le même scénario.

Pendant la crise sanitaire, l’Etat a été capable d’ouvrir rapidement 30 000 places d’hébergement d’urgence. Toutes les personnes à la rue n’étaient pas hébergées, mais c’était tout de même mieux.

Début juillet 2020, les places ferment les unes après les autres, les personnes jusque-là hébergées sont remises à la rue, les autres ne sont pas prises en charge, quel que soit le profil des ménages.

Des familles, des enfants, n’ont d’autres toits sur leur tête que celui d’une tente.

Des nourrissons sortants de maternité dorment dehors.

Un patient âgé de plus de 70 ans nous disait : « Pendant le coronavirus, j’étais au purgatoire. Maintenant, je connais l’enfer. »

Le monde d’après ?


*Les prénoms ont été modifiés.
1 Plateforme d’Accueil des Demandeurs d’Asile