Brève d’Exil : « Je suis désolé, je te fais perdre ton temps… »

Juillet 2024

Je rencontre Monsieur A. en septembre 2023. Il souhaite avoir du soutien dans sa demande de titre de séjour. Après une prise de contact avec ses médecins et une analyse de son dossier médical nous décidons de l’accompagner dans sa demande de régularisation pour raison médicale.

Les Brèves d’exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe pluridisciplinaire du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.

Débute alors un combat avec l’Anef (Administration numérique pour les étrangers en France). Depuis peu et dans une logique de dématérialisation de plus en plus intense, la demande de titre de séjour pour soins se fait en ligne. La préfecture externalise le dépôt des demandes de titre de séjour. Nous suivons donc la procédure. Monsieur reçoit une confirmation du dépôt de sa demande de titre de séjour et il est très vite convoqué à la préfecture pour déposer ses empreintes et remettre son timbre fiscal de 50 euros, pièce obligatoire pour l’instruction du dossier.

En principe, afin d’informer l’Ofii (Office français d’immigration et d’intégration) de son état de santé, Monsieur A devrait pouvoir télécharger sur son compte de l’Anef un certificat médical à faire remplir par son médecin. Mais voilà le problème, Monsieur A ne parvient pas à pas se connecter à son compte et donc, à continuer sa démarche. Six mails aux réponses robotisées et inadaptées plus tard et des appels téléphoniques pour lesquels il faut attendre 1h en vue de recevoir des réponses absurdes : les agents sont certes désolés des réponses apportées mais ne savent pas débloquer le dossier de Monsieur A.

Le plus simple – pour eux – revient simplement à clôturer le dossier deux mois plus tard pour problème informatique. Ils indiquent qu’il faudra refaire une demande et ajoutent : « merci pour votre compréhension », jolie formule de politesse.

Alors oui, nous allons refaire une demande parce que nous n’avons pas d’autre interlocuteur possible et que Monsieur A n’a pas le choix. Mais il devra payer des nouvelles photos d’identité parce que le code ne peut évidemment pas être réutilisé.

Alors non, Monsieur A, rassurez-vous, ce n’est pas vous qui me faites perdre mon temps mais bien l’administration et ce n’est pas mon temps qu’on me prend mais vos droits.


Nous avons finalement pu accéder au compte de Monsieur A, télécharger le certificat médical et le transmettre aux médecins. Monsieur attend la décision de l’Ofii et espère obtenir un titre de séjour d’un an.

Cette situation n’est que l’illustration d’une situation trop souvent répétée. Les travailleuses et travailleurs sociaux passent trop d’heures à débloquer et recommencer des dossiers, contacter des avocats, échanger entre collègues sur des stratégies à adopter. Rien n’a été simplifié par la dématérialisation et les patient.es que nous accompagnons dépendent de plus en plus des associations (accès à internet, à un ordinateur, à la langue française, etc).