Brève d’Exil : Des pépites dans notre travail
Les Brèves d’Exil portent témoignage des situations individuelles rencontrées par l’équipe pluridisciplinaire du Comede, dans le cadre des consultations et des permanences téléphoniques. Elles sont, à bien des égards, un indicateur de la condition des personnes exilées dans la société d’aujourd’hui.
Aout 2022
Ces derniers mois ont été tendus pour les patientEs du centre de santé, ils le sont encore.
Les colis alimentaires sont de plus en plus minces, le 115 dispose de moins en moins de place, de plus en plus de personnes sont à la rue et la situation empire cet été avec un nombre croissant d’expulsions locatives. Et au milieu de toutes ces situations nous avons parfois des pépites, des moments plus légers, alors on en profite et on les partage !
M. K est un vieux monsieur congolais. Après une longue bataille il a enfin un hébergement stable dans la zone commerciale d’une ville éloignée de Paris.
Cela fait quelques mois maintenant qu’il prend ses habitudes dans sa chambre d’hôtel, qu’il trouve des astuces pour faire chauffer son Nescafé© du matin et que nous cherchons ensemble des recettes pour cuisiner au micro-ondes, mais pas des pâtes : « les pâtes c’est pour les enfants, je ne mange pas ça moi ».
Aujourd’hui nous refaisons le point sur la distribution des colis alimentaires, juillet-août les Restos du cœur et le Secours populaire sont fermés, c’est rude.
Je lui demande s’il a réussi à faire cuire du riz : « Oui, je fais du riz à la coréenne, c’est mon ami qui était dans la chambre qui m’a appris. Il est parti maintenant, c’est dommage, on s’entendait vraiment très bien ». Je sens beaucoup d’émotion dans sa voix.
« Alors lui il parle coréen et très bien anglais, moi je parle les langues de mon pays et français. Pour ainsi dire il ne parle vraiment pas français, il dit bonjour et merci mais c’est tout. On se parlait avec les mains, et avant il avait un programme sur son téléphone pour traduire. Je l’aimais beaucoup et lui aussi je crois. Il est parti maintenant, il a eu une place dans un foyer. Il a demandé si c’était possible que j’ai une place dans le même foyer mais on lui a dit que non ».
Je comprends que c’est douloureux pour monsieur de ne pas avoir de nouvelle, de ne pas avoir pu mettre en place un moyen de rester en lien avec son ami sud-coréen. Il a bien son numéro de téléphone mais ils ne s’appellent pas à cause de la langue.
Je lui propose de faire une conférence téléphonique avec unE interprète professionnelLEs pour qu’ils puissent se donner des nouvelles. Il est très enthousiaste. Je lui demande d’appeler d’abord son ami pour être sûr qu’il est là. Il répond, reconnaît aussitôt sa voix, et on entend un sourire sur son visage ! J’explique en anglais qui je suis et que nous allons le rappeler avec l’interprète.
La connexion établie ce n’est pas fluide directement, M. K ne réalise pas que la dame qui parle traduit les mots de son ami coréen. Il est passé à côté de : « Mon ami, vraiment tu es quelqu’un de très bon, d’honnête, de très gentil, tu es une belle personne ». Mais une fois qu’il a compris ils ont pu décider ensemble que M. K enverrait des messages écrits sur WhatsApp, que son ami coréen les traduirait avec une appli pour pouvoir les lire, qu’ensuite il répondrait en coréen, ferait traduire ses mots par l’appli et enverrait son message en français à M.K.
L’ami coréen m’a demandé comment il pouvait prendre des cours de français et M. K va continuer à faire cuire son riz « à la coréenne »… L’amitié congo-coréenne peut continuer !