Tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines
Les mutilations génitales féminines (MGF) recouvrent l’ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales. Elles sont considérées au niveau international comme étant une violation des droits humains des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi que de leur droit à la vie lorsque ces pratiques ont des conséquences mortelles. |
Les mutilations sexuelles féminines, dont l’excision (MSF/E), constituent une pratique fortement ancrée dans les coutumes et traditions de 27 pays d’Afrique ainsi qu’au Yémen, en Irak et en Indonésie. Bien que constituant des violations des droits humains reconnues à l’échelle internationale, plus de 230 millions de femmes dans le monde ont été victimes de mutilations sexuelles féminines et près de 4 millions de filles, pour la plupart âgées de moins de 15 ans, risquent d’en être victimes.
Par l’effet des migrations, les pays d’Europe sont confrontés à l’excision. Dans un rapport de 2019, on estimait que 0,5% de la population féminine française était impactée par une mutilation sexuelle. C’est-à-dire environ 125 000 femmes. Les MSF/E commencent par ailleurs à être mieux documentées en France puisque l’enquête nationale périnatale 2021 a pour la première fois pris en compte les mutilations sexuelles féminines. Cette enquête, réalisée environ tous les 5 ans, révèle que, sur un échantillon représentatif de femmes ayant accouché en maternité, 113 femmes sur 11 949 (soit 0,9%) présentaient des MSF/E.
Pour tenter d’améliorer les données sur la prévalence des femmes ayant subi des MSF/E en France, le projet MSF-PREVAL a enquêté auprès de 3 départements test. Cette enquête pilote menée en Seine St Denis, Rhône et Alpes Maritimes explique que les résultats « ont conforté une tendance révélée il y a plus de 10 ans par l’enquête « Excision et Handicap » : celle de la disparition progressive du risque d’excision parmi les filles nées en France après 1995. Ce constat est le résultat des actions de prévention et de pénalisation de la pratique qui ont été mises en place en France dès les années 1980 par les pouvoirs publics et les associations. Cependant la prise en charge des femmes déjà « mutilées » et particulièrement les femmes migrantes (excisées avant leur arrivée en France) de même que la prévention à poursuivre auprès des familles récemment arrivées, restent des éléments cruciaux dans le cadre des politiques publiques sur ces questions. ».
Demande d’asile arrivée en France, l’observation du Comede
Au sein du Comede, les données concernant les mutilations sexuelles féminines sont recueillies lors des consultations de gynécologie, santé et sexualité au cours desquelles leur repérage est systématique. Les femmes reçues en consultations sont majoritairement jeunes (âge médian 27 ans) et sont arrivées en France récemment. Pour 20% de ces femmes, leur demande d’asile en France est liée à l’excision. La pratique de l’excision est souvent très peu verbalisée au pays d’origine. Appartenant à la « norme », elle n’est pas discutée ou questionnée. Ce silence peut encore être renforcé dans le pays d’immigration où les mutilations sexuelles sont interdites et sanctionnées. Les femmes excisées et les soignant.es qui les accueillent peuvent donc être en difficulté pour aborder ce sujet en consultation.
Pourtant, l’insatisfaction et les difficultés sexuelles qu’elles attribuent à l’excision sont des préoccupations prépondérantes. Les mutilations sexuelles ont de nombreuses répercussions psychologiques et médicales chez ces femmes. Toutes ont rapporté des troubles de la sexualité liés à l’excision : douleurs (65%) et absence de plaisir (65%) pendant les rapports sexuels, absence de désir voire évitement des rapports sexuels (20%). Les autres conséquences sur la santé les plus souvent attribuées ont été une mauvaise perception de l’image de leur corps (25%), le fait de se sentir « anormale », et des souvenirs traumatiques (20%).
Le statut de réfugié.e : de la théorie à la réalité
En France, le statut de réfugié peut théoriquement être accordé aux personnes ayant subi des mutilations sexuelles féminines, fuyant la menace ou protégeant un enfant menacé par la pratique.
Pour être maintenues dans ce statut, l’Ofpra leur impose de fournir « tous les 3 ans » un certificat d’absence de mutilations sexuelles féminines, afin de prouver qu’ils et elles n’ont pas fait subir ces mutilations à leur enfant depuis qu’un titre de séjour leur a été octroyé. Discutable sur le plan du droit d’asile, cette exigence est dangereuse sur le plan psychique en imposant de manière répétée un examen médical particulièrement intrusif à des petites filles, puis à des adolescentes, ceci sans bénéfice médical attendu. Elle témoigne d’une logique paradoxale et discriminante à l’égard des parents d’enfants menacées d’excision, ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire : soupçonnés de faillir dans leur rôle protecteur à l’égard de leur enfant en ce qui concerne les mutilations sexuelles, alors même qu’une protection leur a été octroyée, ainsi qu’à leur enfant, pour leur permettre de tenir ce rôle. Paradoxalement en regard de cette exigence de l’Etat, les femmes réfugiées en France sont souvent pionnières au sein d’un collectif plus large. Elles sont les premières à avoir fui le mari qui leur a été imposé, à avoir refusé l’excision de leur fille et à exercer seule l’autorité parentale.
La fuite des violences multiples
La majorité des femmes excisées accueillies au Comede ont subi d’autres formes de violence de genre au pays, sur le trajet et/ou en France. Deux tiers d’entre elles ont été mariées de force (âge médian 15 ans), une femme sur cinq a été violée par des représentants de l’Etat, un quart d’entre elles ont été violées sur le trajet et 12% ont subi des violences de genre en France (viol ou tentative de viol, traite des êtres humains, rapports sexuels forcés contre hébergement, nourriture, protection, etc.).
Ces femmes souffrent le plus souvent de troubles psychiques graves. Les conséquences psychiques des MSF/E sont peu documentées et difficiles à analyser tant les facteurs de risque d’une altération de l’état de santé mentale sont nombreux : difficultés à en parler, difficulté à reconnaitre les effets psychologiques d’une « norme sociale », répétition des violences, grande vulnérabilité sociale en France.
L’accompagnement au Comede
La question des MSF est abordée dans les consultations médicales et systématiquement dans la consultation de santé et sexualité. Elle fait apparaître de nombreuses questions autour du corps, son fonctionnement mais aussi du désir, de l’accès au plaisir et de la possibilité de soins. Pour les femmes concernées et qui le souhaitent un accompagnement médical et psychologique est proposé : thérapies individuelles et de groupe, atelier de Prévention et Promotion de la Santé sur la santé sexuelle, atelier thérapeutique de danse pour apprendre à se réapproprier son corps et travail sur le lien mère-enfant.
Pour aller plus loin :
Brèves d’Exil – Ép 2 : Parcours de femmes
L’article du Guide Comede «17.3. Violences liées au genre »
Sources :
- Rapport d’activité et d’observation du Comede.
- Lesclingand M, et al. Estimation du nombre de femmes adultes ayant subi une mutilation génitale féminine vivant en France. Bull Epidémiol Hebd. 2019;(21):392-9
- Marie Lesclingand, Fatoumata Sylla, Armelle Andro, Sarah Boisson. Projet MSF-PREVAL.. [Rapport de recherche] Université Côte d’Azur; Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne. 2022. ⟨hal-03789966)