Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines

– 6 février

Les sources et les références sont détaillées à la fin de l’article.

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Chaque année, au moins 200 millions de filles et de femmes dans le monde sont victimes de mutilations sexuelles féminines et près de 4 millions de filles, pour la plupart âgées de moins de 15 ans, risquent d’en être victimes.

Les mutilations sexuelles féminines, dont l’excision (MSF/E), constituent une pratique fortement ancrée dans les coutumes et traditions de 27 pays d’Afrique ainsi qu’au Yémen, en Irak et en Indonésie. Elles désignent « toutes les interventions aboutissant à une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme et/ou toute autre lésion des organes génitaux féminins pratiquée à des fins non thérapeutiques » (OMS). Bien que constituant des violations des droits humains reconnues à l’échelle internationale, des millions de femmes et de filles en sont victimes chaque année.

Par l’effet des migrations, les pays d’Europe sont confrontés à l’excision. Dans un rapport de 2019 ,on estimait que 0,5% de la population féminine française était impactée par une mutilation sexuelle. C’est-à-dire environ 125 000 femmes. Les MSF/E commencent par ailleurs à être mieux documenter en France puisque l’enquête nationale périnatale 2021 a pour la première fois pris en compte les mutilations sexuelles féminines. Cette enquête, réalisée environ tous les 5 ans, révèle que, sur un échantillon représentatif de femmes ayant accouché en maternité, 113 femmes sur 11 949 (soit 0,9%) présentaient des MSF/E.

En France, dès les années 1980 des actions préventives et réparatrices sont mises en place. A travers des actions visant à arrêter les mutilations sur les nouvelles générations de petites filles puis, quelques années après, via des campagnes de chirurgies réparatrices chez les femmes déjà mutilées.

Pour tenter d’améliorer les données sur la prévalence des femmes ayant subi des MSF/E en France, le projet MSF-PREVAL a enquêté auprès de 3 départements test. Cette enquête pilote menée en Seine St Denis, Rhône et Alpes Maritimes explique que les résultats « ont conforté une tendance révélée il y a plus de 10 ans par l’enquête « Excision et Handicap » : celle de la disparition progressive du risque d’excision parmi les filles nées en France après 1995. Ce constat est le résultat des actions de prévention et de pénalisation de la pratique qui ont été mises en place en France dès les années 1980 par les pouvoirs publics et les associations. Cependant la prise en charge des femmes déjà « mutilées » et particulièrement les femmes migrantes (excisées avant leur arrivée en France) de même que la prévention à poursuivre auprès des familles récemment arrivées, restent des éléments cruciaux dans le cadre des politiques publiques sur ces questions. ».

 

Demande d’asile arrivée en France, l’observation du Comede

 

Toutes ont rapporté des troubles de la sexualité liés à l’excision : douleurs (65%) et absence de plaisir (65%) pendant les rapports sexuels, absence de désir voire évitement des rapports sexuels (20%).

 Au sein du Comede, les données concernant les mutilations sexuelles féminines sont recueillies lors des consultations de gynécologie, santé et sexualité au cours desquelles leur repérage est systématique. Les femmes reçues en consultations sont majoritairement jeunes (âge médian 27 ans) et sont arrivées en France récemment. Pour 20% de ces femmes, leur demande d’asile en France est liée à l’excision. Pourtant, recueillir la parole des patientes n’est pas simple en raison du silence qui accompagne la pratique. Les MSF/E sont interdites et sanctionnées en France, « l’état de fait » qui entoure alors les mutilations peuvent se poursuivre jusqu’au pays d’accueil où les femmes peinent à mettre des mots sur « la tradition » ou « le rituel ».

La plupart des femmes n’évoquent pas spontanément le sujet en consultation. Pourtant, l’insatisfaction et les difficultés sexuelles qu’elles attribuent à l’excision sont des préoccupations prépondérantes. Les mutilations sexuelles ont de nombreuses répercussions psychologiques et médicales chez ces femmes. Toutes ont rapporté des troubles de la sexualité liés à l’excision : douleurs (65%) et absence de plaisir (65%) pendant les rapports sexuels, absence de désir voire évitement des rapports sexuels (20%). Les autres conséquences sur la santé les plus souvent attribuées ont été une mauvaise perception de l’image de leur corps (25%), le fait de se sentir « anormale », et des souvenirs traumatiques (20%).

 

Le statut de réfugié : de la théorie à la réalité

 

Elle témoigne d’une logique paradoxale et discriminante à l’égard des parents d’enfants menacées d’excision, ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire : soupçonnés de faillir dans leur rôle protecteur à l’égard de leur enfant en ce qui concerne les mutilations sexuelles, alors même qu’une protection leur a été octroyée, ainsi qu’à leur enfant, pour leur permettre de tenir ce rôle.

En France, le statut de réfugié peut théoriquement être accordé aux personnes ayant subi des mutilations sexuelles féminines, fuyant la menace ou protégeant un enfant menacé par la pratique. Pourtant, dans les faits, les parents protégeant un enfant menacé de MSF se retrouvent plus souvent sous le régime plus précaire de la protection subsidiaire.

Pour être maintenus dans ce statut, l’Ofpra leur impose de fournir « tous les 3 ans » un certificat d’absence de mutilations sexuelles féminines, afin de prouver qu’ils n’ont pas fait subir ces mutilations à leur enfant depuis qu’un titre de séjour leur a été octroyé. Discutable sur le plan du droit d’asile, cette exigence est dangereuse sur le plan psychique en imposant de manière répétée un examen médical particulièrement intrusif à des petites filles, puis à des adolescentes, ceci sans bénéfice médical attendu. Elle témoigne d’une logique paradoxale et discriminante à l’égard des parents d’enfants menacées d’excision, ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire : soupçonnés de faillir dans leur rôle protecteur à l’égard de leur enfant en ce qui concerne les mutilations sexuelles, alors même qu’une protection leur a été octroyée, ainsi qu’à leur enfant, pour leur permettre de tenir ce rôle. Paradoxalement à cette exigence de l’Etat, les femmes réfugiées en France sont souvent pionnières au sein d’un collectif plus large. Elles sont les premières à avoir fui le mari qui leur a été imposé, à avoir refusé l’excision de leur fille et à exercer seule l’autorité parentale.

 

La fuite des violences multiples

La majorité des femmes excisées accueillies au Comede ont subi d’autres formes de violence de genre au pays, sur le trajet et/ou en France. Deux tiers d’entre elles ont été mariées de force (âge médian 15 ans), une femme sur cinq a été violée par des représentants de l’Etat, un quart d’entre elles ont été violées sur le trajet et 12% ont subi des violences de genre en France (viol ou tentative de viol, traite des êtres humains, rapports sexuels forcés contre hébergement, nourriture, protection, etc.).

Ces femmes souffrent le plus souvent de troubles psychiques graves. Les conséquences psychiques des MSF/E sont peu documentées et difficiles à analyser tant les facteurs de risque d’une altération de l’état de santé mentale sont nombreux : difficultés à en parler, difficulté à reconnaitre les effets psychologiques d’une « norme sociale », répétition des violences, grande vulnérabilité sociale en France.

 

L’accompagnement au Comede

En consultation gynécologique, la question des MSF sera posée par la praticienne. Pour les femmes concernées et qui le souhaitent un accompagnement médical et psychologique est proposé : thérapies individuelles et de groupe, atelier de Prévention et Promotion de la Santé sur la santé sexuelle, atelier thérapeutique de danse pour apprendre à se réapproprier son corps et travail sur le lien mère-enfant.


 

Pour aller plus loin :

La Brève d’Exil « Vous n’êtes pas excisée » ici.

Sources :